10/10/2024 - EDITO OCTOBRE 2024 : par Gabriela Etoa
Page blanche
Attablée dans le bar rouge de la rue des Solitaires, je me fonds dans le décor. Seule, bien qu’enveloppée des âmes qui m’entourent et qui, comme moi, recherchent un peu de chaleur. Ma tête, fidèle à elle-même, est ailleurs. Pourtant, je ne suis qu’à deux pas de chez moi. Hier, j’enfonçais mes pieds dans le sable de Kribi. Aujourd’hui, il est temps de plonger.
Faire face à la nouvelle saison, au froid qui s’installe, qui fige et redessine un quotidien auquel nous avions tenté, un instant, de nous échapper. Oui, nous y sommes ! L’automne reprend ses droits, ôtant subtilement l’insouciance cultivée pendant l’été. Octobre me toise, observant avec cynisme mes tentatives de me mouler à l’année naissante. Une page m’est tendue et je ne peux me résoudre à la laisser vierge.
Alors je gratte, je gratte pour noircir ma page blanche.
Pas vraiment grand chose à dire, alors je m’aventure dans l’inconnu. Les rues, les clubs, les bars… Je m’endors beaucoup trop tôt, ou plutôt trop tard. Je sors de ma chambre pour vivre des aventures, heureuses ou malheureuses. Juste histoire qu’elles prennent part à celle que je raconte. Fuir la morosité, l’essence de ma quête.
À la rentrée, beaucoup quittent leur maison. Moi, je la retrouve à chaque fois que je retourne à la Manufacture Chanson. Quand, lassée de l’inconnu, je m’aventure dans le connu. Ouvrière de la Manufacture, artiste de la Chanson. J’en ai croisé des artistes qui doutent, ce sont les mêmes qui croient. Décalés, ils viennent reprendre le rythme et se mettre à la page, gribouillant de nouvelles indications sur leur partition. Ils parlent la même langue, se ressemblent dans tout ce qui les rends singuliers. Les uns, les autres, ils s’inspirent. Ils m’inspirent.
Parfois, j’ai peur que rien ne se passe. Alors, je reste plantée là. Comme un arbre sans fruits. Ou un Halloween sans bonbons : rien à partager. C’est terrifiant, mais il paraît que c’est de saison.
Allez ! Quitte à me planter, je m’en vais faire un tour à la Manufacture Chanson.
Par Gabriela Etoa, stagiaire 2023/2024 de la Formation Auteur.e Compositeur.ice Interprète.
Bravo et merci pour ce jolie texte !