24/02/2020 - Vernissage expo « En Studio avec Nesles » Photos de Jauris Casanova

Illustration actualité

JAURIS CASANOVA, en studio avec NESLES

Je n’aime pas être pris en photo. Toute sensation de la présence d’un de ces appareils-cyclopes me met mal à l’aise. Je les renifle tel un chien qui sent venir un rôdeur, et sors aussitôt les dents. C’est une tension que je retrouve chez quelques amis musiciens. Pourquoi ce paradoxe ?

Nous venons exposer nos tripes, nos viscères, nos états d’âme, sur scène, sur enregistrement, et quand on nous demande de nous prendre en photo, nous nous métamorphosons alors brutalement, redevenant timides et farouches, pareils à ceux que nous qualifions de sauvages il n’y a encore pas si longtemps, et qui craignaient qu’on ne leur vole leur âme. Il y a sans doute là quelque chose qui est de l’ordre du refus de la perte de contrôle. Devenir un sujet, passif, n’est pas toujours très supportable. Il faut une dose de confiance, d’inconscience, d’abandon. Il faut accepter de lâcher prise. Chez certains ce laisser aller est naturel, voire nécessaire; chez d’autres il est plus compliqué, violent. Alors comment faire ? Comment s’exposer ? Comment parvenir à cet abandon ?

Je ne sais pas comment font les autres musiciens, mais pour ma part, je n’ai pas d’autre choix que de tenter d’ignorer ce monstre, mécanique et intrusif, qui vise, pointe et tire. La chance de notre métier, quand on enregistre un disque ou qu’on est sur scène, c’est d’être totalement happé par ce qu’on fait. L’abandon se fait dans l’absorption. Donc, si dans l’une de ces situations, je sens l’appareil, c’est que je ne suis pas à ce que je fais. Pas à 100%. Je ne peux alors m’en prendre qu’à moi, et je n’ai plus d’autre envie que celle de me replonger, toute affaire cessante, dans la fièvre du travail, dans cette immersion totale, cette concentration dévorante qui brûle tout et ne laisse plus
d’obstacle entre soi et ce que l‘on fait. Quand le déclic de l’obturateur menace, il faut donc s’en foutre – autant que faire se peut. C’est à mon sens la seule solution. S’en foutre et, comme disent nos amis Anglais, « hope for the best » !

Avec Jauris Casanova c’est facile de s’en foutre. Parce qu’on se connaît bien, qu’il sait se fondre dans le décor, disparaître complètement. Et que ses photos sont bonnes. J’ai cette assurance. Et celle aussi qu’il ne laissera rien sortir sans mon accord.

C’est une énorme marque d’estime et de confiance. Et elle est réciproque. Mais qu’est-ce qu’une bonne photo ? Un bon photographe ? Pour moi c’est quelqu’un qui bien sûr a une vision, mais c’est surtout quelqu’un qui n’écrase pas son sujet, qui le sert, le porte, le transcende. C’est quelqu’un qui s’oublie lui aussi, faisant peu de cas de son ego. Sa seule arme, c’est son point de vue. Un point de vue sensible. Un lien secret mais tangible s’établit entre lui et son sujet, un lien quasi organique. Le temps d’une magique nano seconde. L’homme qui a pris les photos que vous allez voir ici est également comédien – il fait notamment partie de la troupe du Théâtre de la Ville. C’est un de mes meilleurs amis – de ceux qu’on compte sur les doigts d’une main. Et c’est un véritable artiste. Ses photos en témoignent. J’espère d’ailleurs que cette exposition n’est que le début d’une longue série. Il a l’oeil aiguisé. Cet oeil, je l’ai vu s’affiner, se développer (!) prodigieusement. Son regard est plein de curiosité, de tendresse, d’empathie, de discrétion, d’humanité, d’humilité. Cette combinaison est extrêmement rare. Son regard est celui d’un artiste amoureux, dans le plaisir sans cesse renouvelé de la découverte.

Merci à lui.
Nesles
Paris, février 2020

Vernissage le 24/02/2020 à 19h00 : Entrée Libre
Suivi du concert de Nesles à 20h30 : Entrée 15/12/10€ – Réservations

Catégorie : Actualités
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