EDITO OCTOBRE 2022 : « There’s a world going on underground « 

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Faut il se résigner, courber l’échine, s’indigner, se révolter, s’en foutre, lâcher l’affaire ?
Est-il bien approprié de répertorier dysfonctionnements et injustices de la filière musicale quand, à l’heure où s’écrivent ces lignes, le monde poursuit allègrement son chemin vers le plus grand n’importe quoi ? Peut-on se plaindre d’inégalités et de difficultés grandissantes, finalement symptomatiques des crises que traverse notre système et que connaissent la majorité des artistes, quand s’enchaînent à travers le monde catastrophes ubuesques et autres joyeuses violences ? L’art et les problèmes qu’il suppose a-t-il sa place dans un monde soumis à bien d’autres préoccupations ?
C’est dans ce même monde qu’il y a quelques jours Annie Ernaux a reçu le prix Nobel de littérature. On ne peut que s’en réjouir car, comme le soulignait récemment un article de presse*, « [Annie Ernaux] est une autrice dont le « JE » dit l’expérience commune ». Et c’est cela qui est fondamental : en parlant de soi, on parle aussi du monde, du monde dans lequel on évolue, face auquel on se positionne. Un monde que nous construisons. Écrire, composer, chanter, créer, c’est aussi rendre compte de ce monde dans lequel nous vivons, ensemble, les un.e.s avec et sans les autres. Alors que faire ? Et surtout comment le faire ?
Pour ma part, j’ai une chance inouïe. La Manufacture Chanson m’a proposé d’être « Artiste Associé » pour une durée de deux ans. Un nouvelle aventure se présente donc, me laissant une grande latitude pour occuper un temps et un espace.
Mais « Artiste Associé » ça veut dire quoi au juste ?
Déjà « artiste » ? Jean-Louis Murat, un exemple parmi d’autres, refuse ce terme le concernant et lui préfère celui d’artisan – on pourrait gloser longtemps là-dessus.
Consultons donc le Larousse : « Personne qui exerce professionnellement un des beaux-arts ou, à un niveau supérieur à celui de l’artisanat, un des arts appliqués » et « Personne dont le mode de vie s’écarte délibérément de celui de la bourgeoisie ; non conformiste, marginal ». Soit.
Regardons le mot « Associé » à présent, le mot qui m’intéresse le plus finalement, dans le Littré et le Larousse : « Mis en union. Associés par la communauté des intérêts », « qui partage ses ou leurs activités au sein d’une association ».
Bien.
Mais quand un artiste et un lieu s’associent, ça veut dire quoi ? Dans cette association, je vois d’abord une forme de compagnonnage, un compagnonnage qui se construit depuis 2015 entre la Manufacture et moi et qui aujourd’hui prend une forme plus tangible, donc plus constructive. Un partenariat de confiance en somme. Cette association étant une première, et pour la Manufacture et pour moi, tout est à inventer. Seul le temps de cette collaboration permettra de construire quelque chose de manifeste et cette durée est primordiale.
C’est un luxe dont je ne peux que me réjouir.
Être associé à un lieu, c’est avoir un toit et un cadre.
Une cabane. Une cabane où je vais pouvoir trouver sécurité, stabilité, cadre. Une cabane dans laquelle je vais pouvoir me concentrer et travailler. Tous les jours je réalise la veine que j’ai d’avoir un lieu ainsi structuré, calme, protégé, bienveillant (non ce mot n’est pas galvaudé quand il est vrai). Cette cabane je m’y installe pour préparer la suite : écrire, répéter, roder mes nouveaux morceaux dans le cadre intimiste de concerts « laboratoires », commencer à enregistrer. Et initier des rencontres, des échanges. Sans verser pour autant dans l’hippie-culturalisme – un fond de punk en moi veille au grain, qu’on se rassure ! – il y a matière à réfléchir pour rendre tout ceci bien réel. J’ai donc à c?ur de faire de cette « hyper résidence » un espace vivant où vont s’organiser des rencontres, des débats, des projections, des expositions, des concerts, des soirées thématiques, bref toutes sortes d’événements où je recevrai de nombreux.ses invité.e.s… Cette aventure nouvelle, je la vois comme une occasion unique de générer des élans, de créer des ponts, de
provoquer des échanges, de rendre possibles des collaborations, de favoriser la concrétisation d’idées, d’envies, de projets. Ça sera forcément un peu foutraque, et ce sera très bien comme ça.
Cette « hyper résidence », je l’ai déjà commencée. Si vous passez par Paris, venez faire un tour à la Manufacture. En ce moment il s’y tient ma première expo dans laquelle j’ai eu envie de me raconter à travers plus d’une centaine de pochettes de disques qui ont compté pour moi. Et peut-être un peu pour vous aussi.
D’ici-là, portez-vous bien.

Nesles, Paris, octobre 2022

Prochaine newsletter, le mois prochain…

Artiste Associé en ‘hyper résidence’ de création pour une durée de deux ans à la Manufacture Chanson, Nesles prépare actuellement son prochain album et bien d’autres choses à suivre dès 2023.

Écouter la playlist : https://deezer.page.link/qevsCeaB3tiSzU8SA

Label | Microcultures Records
Tourneur | Pyr Prod
Conseil | Laure Michelon
Liens : https://linktr.ee/NESLES

© Raphaëlle Leyris dans le Monde

Ont accompagné la rédaction de ces quelques lignes : Mozart : « Messe en ut mineur » (Deutsche Grammophon), Kurt Vile : « One trick ponies » (Matador), Jim O’Rourke : « The Workplace » (Domino), William Blake : « Le mariage du ciel et de l’enfer » (Gallimard), Anthony Boile : « Black and White – The Stranglers » (éditons Densité) , Edward Berger : « Patrick Melrose » (Sky), Bruno Latour « Entretiens» (Arte)

L’image du jour : Nesles, artiste associé à la Manufacture Chanson pendant 2 ans – crédit photo : Jauris Casanova

Catégorie : Humeurs
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